Comment les avions s’alimentent en électricité ?

L’alimentation électrique est certainement l’une des parties les plus complexes d’un avion. Pour s’alimenter, les avions possèdent un grand nombre de systèmes qui se complètent et fonctionnent de manière redondante. Tout est conçu pour qu’en cas de défaillance d’une ou plusieurs sources, d’autres puissent prendre le relais.

Les avions sont aujourd’hui remplis d’électronique, et pour certains, les commandes de vol sont même entièrement électriques. Airbus a été le premier constructeur à proposer des commandes de vol électriques gérées par calculateur numérique, avec son A320. Voyons dès à présent quelles sont les différentes façons d’alimenter un aéronef.

Les batteries

Comme la majorité des véhicules, les avions disposent de batteries. Celles-ci sont principalement au plomb, au Nickel Cadmium (Ni-Cd) ou Lithium-Ion (Li-ion).

Malheureusement, le nombre important de systèmes électriques à bord d’un avion ne permet pas de se reposer entièrement sur les batteries. Celles-ci peuvent très rapidement se retrouver déchargées, et ne supporteraient pas non plus l’énergie demandée par l’allumage des moteurs d’un avion de ligne. Pour des petits avions, l’allumage peut être supporté par les batteries.

Batterie d'un avion
Batterie d’un Airbus A350

L’APU

Il s’agit du « Auxiliary Power Unit » ou en français le « Groupe Auxiliaire de Puissance ». C’est un petit turboréacteur qui se situe généralement à l’arrière du fuselage. Il est alimenté par le même kérosène que les moteurs.  L’APU fournit l’avion en électricité, mais aussi la climatisation lorsque ses moteurs sont éteints. En raison de sa petite taille, un démarreur électrique alimenté par les batteries suffit à le mettre en route.

À son tour, l’APU fournira l’énergie pneumatique nécessaire à l’allumage des moteurs. Après le démarrage des moteurs, l’APU est généralement coupé. En effet, les réacteurs prendront le relais sur l’air conditionné et l’alimentation électrique.

La sortie d’air de l’APU se matérialise sur la majorité des avions par le trou en bout de queue. Et s’il y a une sortie, il y a bien évidemment une entrée, qui se situe à proximité.

APU d'un avion
APU et sa sortie

Le GPU

Pour Ground Power Unit. Ce sont des unités d’alimentation électrique au sol ; ou pour faire simple, des groupes électrogènes pour la plupart. Il en existe de toutes tailles, allant de celle d’un frigo à celle d’une voiture pour alimenter de gros appareils.

Si la majorité des GPU tournent au diesel, certains GPU se contentent de convertir le signal du secteur. On trouve même de petits modèles portables à peine plus gros qu’une batterie de voiture, destinés aux appareils légers et techniciens de maintenance.

GPU branché sur un avion
GPU

À savoir, on trouve des alternatives aux GPU. Il s’agit d’une alimentation intégrée aux passerelles d’embarquement. Les agents de piste n’ont alors plus qu’à tirer un câble de ces passerelles pour les brancher sur l’appareil. Cela permet à la fois un gain de place, de temps, mais c’est aussi bien plus écologique que les générateurs au diesel.

Alimentation électrique sur une passerelle
Alimentation électrique depuis la passerelle
Pourquoi utiliser le GPU ?
  • Tous les avions ne sont pas équipés d’APU.
  • Pour une alimentation prolongée au sol, cela permet, contrairement à l’APU, d’économiser du carburant.
  • Certains aéroports interdisent l’utilisation de l’APU au parking.
  • Il peut arriver que l’APU soit en panne. Dans ce cas, on branchera un tuyau supplémentaire, celui de l’ASU (Air Start Unit) ou Compresseur de démarrage en français. C’est un groupe externe qui fournira la pression pneumatique nécessaire à l’allumage des moteurs.

À savoir, certains avions comme le Boeing 747 disposent de 2 prises de parc permettant d’y relier 2 GPU. Ce même avion dispose aussi de deux alternateurs dans son APU.

Les moteurs

C’est la source principale d’électricité à bord d’un avion. En effet, contrairement à l’APU, bien plus petit, les moteurs offrent une puissance phénoménale dont une petite partie est convertie en électricité.

Cette électricité est fournie par un générateur présent dans chaque moteur. On parlera de GEN 1, GEN 2 pour désigner les générateurs des moteurs 1 et 2. Il y aura bien évidemment les GEN 3 et GEN 4 sur des tri et quadriréacteurs.

La RAT

La Ram Air Turbine est une éolienne de secours. Présente sur les avions de ligne, elle assure une alimentation des équipements vitaux lorsque l’avion se trouve en situation d’urgence. Si les moteurs tombent en panne en plein vol, la RAT se déploiera automatiquement et prendra alors le relais.

RAT d'un avion
RAT (Ram Air Turbine)

Pourquoi ne pas plutôt utiliser l’APU en cas de panne des deux moteurs ?

Car le démarrage de l’APU nécessite une action des pilotes ainsi qu’un certain temps au démarrage. La RAT se déploie et fournit de l’énergie immédiatement. Enfin, si la panne provient d’un manque de carburant, l’APU ne pourra pas fonctionner et la RAT sera le dernier rempart. Son utilisation est extrêmement rare, et se compte sur les doigts d’une main ces 20 dernières années.

En 2001, le vol Air Transat 236 opéré en Airbus A330 s’est retrouvé sans carburant au-dessus de l’atlantique. La panne fait suite à une fuite de carburant résultat d’une erreur de maintenance. L’appareil se posera aux Açores, après 21 minutes de vol plané… Un record pour ce type d’appareil.  La RAT a évidemment été très utile. Sans ce système de la dernière chance, les 306 personnes à bord auraient sans l’ombre d’un doute péri.


Le contrôle de la source d’alimentation

L’alimentation électrique se contrôle en général sur l’overhead panel (le panneau supérieur) du cockpit.

Panel électrique sur l'overhead d'un Airbus

Sur cette partie de l’overhead d’un Airbus A320, se trouvent les différentes sources d’énergie sélectionnables vues précédemment.

On retrouve bien les boutons :

  • Des batteries 1 et 2 (en haut, au centre)
  • De l’APU (APU GEN)
  • Du GPU (EXT PWR)
  • Des moteurs (GEN 1 & GEN 2)

Tous les aéronefs ne disposent pas des mêmes systèmes d’alimentation électrique. Ils sont totalement différents d’un appareil à un autre. Toutefois, à bord des avions de ligne, nous retrouvons principalement deux tensions standard :

  • Les 115 V, 400 Hz

C’est la tension alternative généralement fournie par les générateurs des moteurs et de l’APU. Plus rarement, on peut aussi croiser du 200 V 400 Hz. Les équipements gourmands en énergie utilisent cette tension à bord de l’avion.

Pourquoi utiliser du 400 Hz, contrairement aux 50/60 Hz utilisés domestiquement à travers le monde ?

C’est une histoire de taille ! Avec des fréquences plus élevées, les composants nécessaires au traitement du signal électrique peuvent être bien plus petits que ceux d’un système 50 ou 60 Hz. En aviation, le poids est un critère très important qui influera directement sur la consommation de carburant. C’est sans compter le gain de place offert par une taille minime de composants !

  • Les 28V en continu

C’est avec cette tension que fonctionnent beaucoup d’instruments et équipements dans les avions. Cette tension peut également s’obtenir à l’aide de TRU (Transformer Rectifier Units) qui convertissent les 115V 400 Hz vers du courant continu.  On peut également retrouver des inverters qui opérèrent le schéma inverse, à savoir convertir le courant continu 28V en 115V AC.

A noter, il est très fréquent de voir des batteries délivrant une tension nominale de 24V. Les matériels sont bien entendu conçus pour tolérer différentes variations de tension. Pour les batteries des Airbus A350 par exemple, le fabricant Saft indique une tension nominale de 25.2V, un fonctionnement possible entre 19 et 32.2V, et une charge à 28V. Ne vous basez donc pas sur des valeurs précises car dans les faits, les valeurs réelles ne sont pas strictes !

Pour des petits avions régionaux, il est courant que l’alimentation générale de l’appareil soit assurée par le 28V. En creusant plus loin, on peut trouver parfois des bus 26, 24 voire 12V…

Il y a toute une variété de tensions que les GPU vus précédemment peuvent fournir selon les modèles. Il en existe de toutes les tailles, de toutes les formes, de toutes les puissances… Pour tous les usages !


Attention aux dangers

L’électricité n’est pas à prendre à la légère en aviation. Des défaillances peuvent rapidement amener l’appareil dans une situation délicate.

La pire conséquence d’un défaut électrique, c’est le court-circuit. De nombreux accidents résultent d’un défaut de ce type, dont les deux plus connus :

Le vol Swissair 111, en 1988

L’appareil est un MD-11 qui devait relier l’aéroport de New York JFK à Genève. Un peu moins d’une heure après le décollage, une odeur de brûlé se fait ressentir. Quelques minutes plus tard, une fumée commence à envahir l’avion et les systèmes tombent en panne les uns à la suite des autres. L’appareil finira par s’écraser en flammes dans l’océan, à peine 20 minutes plus tard.

L’enquête déterminera l’origine du feu : un court-circuit du système de divertissement a entraîné l’inflammation d’un matériau isolant, à l’arrière du cockpit.

MD-11 de la compagnie Swissair

Le vol TWA 800, en 1996

Le 17 juillet 1996, ce Boeing 747 devait New York JFK à Paris Charles de Gaulle. Quelques minutes après le décollage, l’appareil explose en plein vol et se désintègre au-dessus de l’océan atlantique, emportant avec lui les 230 personnes à bord.

D’après le NTSB, la cause la plus probable serait celle d’un court-circuit du système alimentant la jauge de carburant, ayant entraîné d’explosion du réservoir central. Ce réservoir était presque vide, et en plein été, la chaleur aurait grandement favorisé la création de vapeurs très inflammables.

Boeing 747 de la compagnie TWA

Aujourd’hui, on prévoit l’injection d’azote dans les réservoirs afin de chasser l’oxygène. Ainsi, cela prévient toute inflammation de l’air en cas de court-circuit à proximité.

Le cas du Boeing 787

Ces dernières années, le Boeing 787 Dreamliner a régulièrement été victime d’incidents électriques inhérents à ses batteries.

  • 7 janvier 2013 : Un appareil de la compagnie Japan Airlines stationné sur l’aéroport de Boston est victime d’un début d’incendie, causé par la surchauffe d’une batterie.
  • 9 janvier 2013 : La compagnie United Airlines rapporte un problème de batterie sur l’un de ses 6 appareils.
  • 16 janvier 2013 : Un appareil de la compagnie japonaise ANA se pose en urgence, en raison d’une batterie qui s’est embrasée en plein vol.
  • 14 janvier 2014 :  Rebelote pour Japan Airlines, lorsqu’un employé de maintenance découvre une fumée blanche épaisse, ainsi que du liquide s’échappant de l’une des batteries.
  • Novembre 2017 : Un appareil de la compagnie United Airlines se pose en urgence à Paris Charles de Gaulle pour… Vous l’avez deviné oui, un feu de batterie !
Batterie d'un avion ayant pris feu
Batterie ayant brûlé sur un 787

Ces différents incidents ont amené les autorités à immobiliser plusieurs fois les 787, le temps que Boeing puisse apporter une solution.

Tout cela aurait pu se terminer bien plus tragiquement. D’autant plus qu’aucun système d’extinction d’urgence n’était prévu. Le feu à bord est l’un des pires incidents qui puissent arriver. Lorsqu’un incendie se déclare, s’il n’est pas contenu, quelques minutes suffisent à causer la perte de l’avion.

La foudre est-elle un danger pour les circuits ?

En théorie non, car les avions sont des cages de faraday. Quand la foudre touche un appareil, elle le traverse par sa couche externe avant de poursuivre sa course vers le sol. Si la foudre endommage parfois des parties non vitales à l’extérieur, point d’inquiétude pour tout ce qui est à l’intérieur. Ni les passagers, ni les circuits électriques ne seront atteints.

Quelques exceptions subsistent toutefois. Le 5 mai 2019, un Sukhoi SSJ100 de la compagnie Aeroflot s’écrasait à Moscou peu après le décollage. Alors que l’appareil venait de décoller, une panne électrique survient suite à un foudroiement, entraînant une perte de la radio et certains instruments. Les pilotes reprennent alors le contrôle en manuel pour retourner vers l’aéroport. Alors que l’appareil est prêt à se poser, l’alarme de cisaillement de vent retentit dans le cockpit invitant les pilotes à remettre les gaz pour retenter une approche. Malgré cet avertissement, le commandant décide de se poser quand même. A ce point, l’approche n’est toujours pas stabilisée. Finalement, l’appareil touchera la piste quelques secondes plus tard avec le train avant, rebondira plusieurs fois sur la piste avant de s’enflammer, tuant 41 des 78 personnes à bord.

Le pire dans l’histoire, c’est que le commandant n’avait jamais posé son avion en Direct mode, c’est à dire en contrôle entièrement manuel. Le crash n’est alors pas imputable directement à la foudre qui fait office de facteur déclencheur.

Les rares incidents électriques ou dégâts causés par la foudre ne peuvent plus détruire nos avions de ligne modernes. Le facteur humain est en revanche décisif dans la gestion des pannes déclenchées par les caprices de dame nature.

Quelques faits intéressants :

  • Un Airbus A380 cumule environ 530 km de câbles électriques
  • La RAT d’un A380 mesure 1.6 mètre de diamètre
  • Un Boeing 787 compte 3.500 connecteurs électriques et 40.000 segments de câbles.

Enfin, pour ceux qui comprennent l’anglais, je vous conseille cet incroyable site qui explique dans les moindres détails l’alimentation électrique d’un Airbus A320 : https://easamodul10.blogspot.com/2015/11/airbus-a320-series-electrical-system.html

Image à la une : @Michael Rehfeldt

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