Les avions peuvent-ils voler la nuit ?

Oui, les avions peuvent voler de nuit et en toute sécurité ! Mais comment font-ils ? Il existe plusieurs solutions permettant aux avions d’évoluer sans visibilité, que ce soit en pleine nuit ou dans les nuages.

Deux types de navigation

En aviation, on peut naviguer de deux manières :

Le vol à vue

Il s’agit du mode de navigation des petits appareils de loisir principalement. Le vol à vue consiste à naviguer en s’aidant de points de repères au choix au sol. le Vol à vue requiert ce que l’on appelle des conditions VMC (Visual Meteorological Conditions). Ces conditions peuvent varier. En espace aérien non contrôlé, sous 3000 pieds par rapport au niveau de la mer ou sous 1000 pieds au-dessus du sol  (le plus haut des deux) :

  • Voler hors nuages et en vue du sol.
  • Visibilité de 1.5 km ou sur la distance parcourue en 30 secondes.

Au dessus de ces altitudes et en espace aérien contrôlé :

  • Visibilité supérieure à 5 km.
  • Voler avec un espacement de 1500 mètres horizontalement et 300 mètres verticalement des nuages.

Pour voler de nuit (30 minutes avant le lever, et 30 minutes après le coucher du soleil), il faut obtenir une qualification spéciale. Les conditions météo doivent aussi respecter certaines règles, voir ICI.

Le vol aux instruments

C’est comme ça que volent les avions de ligne. Comme son nom l’indique, ce type de vol s’effectue à l’aide des instruments. Le vol aux instruments ne nécessite alors, pas de visibilité extérieure pour être mené. Voler sans visibilité est une condition que l’on appelle IMC (Instrument Meteorological  Conditions). Les petits avions, si équipés, peuvent aussi mener ce type de vol, sous réserve que le pilote dispose de la qualification IR (Intrument Rating), et que l’avion soit équipé pour voler aux instruments.

Quels instruments ?

L’horizon artificiel

Fonctionnement de l'horizon artificiel

C’est le meilleur ami des pilotes en IFR. Cet instrument affiche la position de l’avion dans l’espace. Sans visibilité, le pilote peut alors maintenir son avion en palier, en couplant ces données avec d’autres instruments (Altimètre, variomètre, anémomètre, voire GPS).

Deux types de vols aux instruments

Le vol conventionnel

C’est le plus ancien, peu utilisé de nos jours. En vol conventionnel, l’appareil est dépendant de balises au sol :

  • Les VOR : Ces balises émettent à 360°. Le pilote aura alors à régler la fréquence du VOR dans son avion pour que ses instruments pointent dans sa direction. Grâce au pilote automatique, il est possible de demander à l’avion de se diriger automatiquement vers le VOR, sur un cap précis, en rapprochement ou en éloignement. On appelle ce cap une radiale.
    La majorité des VOR est couplée à un DME (Distance Measuring Equipement). Il affiche, sur les instruments, la distance de l’avion par rapport au VOR. À l’aide d’un simple VOR équipé d’un DME, il est possible de savoir sa distance et sa position par rapport à la balise. On peut alors très facilement de se situer sur une carte.
  • Les NDB : Ce sont des balises avec une portée beaucoup plus élevée que le VOR. En revanche, les NDB sont des balises non directionnelles. L’instrument de l’avion ne pourra que pointer son aiguille vers la balise. Contrairement au VOR, aucune information de radiale ni de distance n’est transmise. Impossible de se situer précisément sur une carte à l’aide d’un seul NDB.
Le vol RNAV

C’est le type de vol des avions de ligne aujourd’hui. Le RNAV (ou GNSS) est la navigation à l’aide quasi exclusive du positionnement par satellite. Les avions équipés RNAV déterminent eux-mêmes leur position et ont la capacité de se déplacer entre des intersections virtuelles (appelés waypoints), des points géographiques comme des latitudes/longitudes précises, etc.

Il existe différents types de routes aériennes : les routes supérieures et inférieures. En France, les routes inférieures s’étendent pour la plupart de 6500 à 19500 pieds, et sont principalement basées sur des VOR comme grandes intersections. Elles peuvent être utilisées pour les vols aux instruments en conventionnel jusqu’à 11’500 ft, mais aussi RNAV. Il y a enfin les routes supérieures, qui s’étendent majoritairement de 19’500 à 50’000 pieds en France. Elles sont réservées aux appareils équipés RNAV.

Pour suivre ces routes, les avions sont équipés d’un FMS (Flight Management System). Ce système se contrôle à l’aide d’un MCDU, une sorte de mini-ordinateur sur lequel on insert le plan de vol et tout un tas de paramètres utiles à la navigation. Du décollage jusqu’à l’atterrissage, la trajectoire est alors gérée automatiquement.

FMC d'un airbus
MCDU

Le radar météo

De nuit comme de jour, il serait suicidaire de pénétrer dans un orage. Si on peut voir des cumulonimbus au loin de jour, c’est une autre affaire la nuit. Pour cela, les avions possèdent un radar météo. Sur les avions de ligne, il est situé sous le radôme (le nez). Le résultat s’affiche sur un écran du tableau de bord.  Si c’est vert, ça passe. En orange à éviter, en rouge, il faut contourner à tout prix !

Radar météo d'un avion

Si c’est fort utile de nuit, ça n’en reste pas moins inutile de jour ! En effet, on ne sait pas toujours ce qu’il se passe derrière une masse nuageuse. Cela permet des évitements météo à toute heure du jour comme de nuit.

Les atterrissages

Il existe de nombreuses technologies d’approches aux instruments, qui mèneront les avions au seuil de la piste sans forcément nécessiter beaucoup de visibilité. Les pilotes récupèrent alors le contrôle en manuel une fois qu’ils arrivent au seuil de la piste.

Pour la plus poussée des approches, à savoir l’ILS CAT IIIC, il est même possible de se poser sans aucun minima de hauteur ou de visibilité. La pilote automatique posera de lui même l’avion sur la piste. Peu d’aéroports en France sont équipés d’un ILS CAT IIIC.

Le balisage lumineux

Les pistes utilisées par les avions de ligne sont balisées et leur intensité est réglable par les contrôleurs aériens. Elles restent donc parfaitement visibles de nuit, et de loin.

À savoir : quelques petits aérodromes non contrôlés possèdent un système appelé PCL (Pilot-controlled lighting). Il permet aux pilotes d’allumer la piste à l’aide d’impulsions effectuées sur une fréquence radio prédéfinie. Attention, la piste et les voies de circulation de certains aérodromes ne sont pas balisées. Leur utilisation est alors proscrite de nuit.

 

piste d'atterrissage éclairée de nuit

À gauche de la piste, il y a 4 lumières. On appelle cela le PAPI (Precision Approach Path Indicator), ou en français Indicateur de trajectoire d’approche de précision. Elles permettent aux pilotes de savoir s’ils sont trop hauts ou trop bas par rapport au plan de descente. Si L’avion est trop haut, on voit 3 ou 4 lumières blanches.

S’il y a 3 ou 4 lumières rouges, l’avion est trop bas. Le but est de maintenir 2 blanches et 2 rouges pour garder le bon plan de descente. Certains PAPI ne possèdent que 2 lampes. On les appelle alors des APAPI C’est un peu moins précis, mais le principe reste le même.

Enfin, les taxiways, c’est-à-dire les routes qui mènent de la piste aux parkings, sont aussi balisés sur les grands aéroports. Sur de petits aérodromes il peut y en avoir des non-balisés.

Les feux

Comme tout véhicule (sauf les cyclistes suicidaires la nuit), les avions possèdent des feux. Il y a les principaux : les phares d’atterrissage qui éclairent la piste lors du décollage ou de l’atterrissage, mais aussi les phares de roulage utilisés au sol.

Il y a des feux de navigation situés aux extrémités des ailes. Rouge à gauche, vert à droite. On retrouve enfin un blanc sur la queue. Ils permettent, de nuit, de voir dans quelle direction va un avion.

feux d'un avion

La nuit, un facteur aggravant

La nuit s’est déjà avérée fatale. Quelques exemples d’accidents parmi tant d’autres peuvent en témoigner.

Le vol Birgenair 301

Le 6 février 1996, s’écrasait un Boeing 757 au départ de Puerto Plata, en République dominicaine. Alors que l’appareil est en accélération en vue du décollage, le commandant constate que son indicateur de vitesse est erroné. L’avion est encore en dessous de la vitesse V1.

La vitesse V1 est la vitesse à partir de laquelle l’avion doit décoller coûte que coûte. Un arrêt décollage n’est plus possible passé cette V1.

Ici, bien que l’avion était en dessous de cette vitesse, le commandant décide de poursuivre le départ, alors qu’ils auraient immédiatement dû interrompre le décollage. Lors de la montée, le pilote automatique est enclenché. Les instruments des deux pilotes affichent des informations de vitesse et d’altitude contradictoires. Se produit alors le phénomène de désorientation spatiale. N’ayant aucune référence visuelle extérieure de par la nuit sombre, ni indication de vitesse fiable, le destin est scellé. L’avion finira par décrocher et s’écrasera.

La cause du crash est imputée à une sonde pitot bouchée. Ces sondes sont situées à l’avant de l’appareil et permettent de calculer la vitesse de l’avion en fonction de la pression de l’air. L’avion n’avait pas volé pendant près d’un mois, et les protections ornées du fameux REMOVE BEFORE FLIGHT n’avaient pas été installées…

tubes pitot d'un Boeing 737

Le vol 965 American Airlines

Celui-ci s’est produit le 20 décembre 1995 près de Cali, en Colombie. Alors que l’avion arrive à destination, le contrôleur aérien les autorise à effectuer une trajectoire directe vers une balise radio de la procédure d’approche. Le commandant entre alors le point de cheminement dans son ordinateur de bord, et le pilote automatique entraîne alors l’avion dans un virage vers ce point… Du moins c’est ce qu’ils pensent.

En effet, le point entré est erroné, et l’avion se dirige en fait vers un autre point situé bien plus loin. L’avion poursuit sa descente, aucun des pilotes n’a remarqué l’erreur, et l’avion se dirige droit vers une montagne, qu’il percutera quelques minutes plus tard malgré l’alerte de proximité du sol (nous y viendrons après).

Le  crash du mont Sainte-Odile

Retour en 1992, sur ce crash survenu en Alsace. Le vol est effectué par un Airbus A320 de la compagnie Air Inter. Ici aussi, l’accident est survenu durant la phase d’approche. L’accident fait suite à une mauvaise configuration du pilote automatique sur la procédure de descente. Les pilotes auraient malencontreusement sélectionné un taux de descente de 3300 pieds/minute au lieu de 3.3°. À cette époque, la différence entre les deux modes était minime puisque seul un sélecteur permettait de connaître le mode enclenché. Pour un taux de descente de 3.3°, l’écran affichait 33. Pour un taux de descente de -3300 ft/min, l’écran affichait aussi 33. Une erreur de pilotage aggravée par une conception trompeuse qui coûtera là vie à 87 des 96 personnes à bord.

Un point commun : la nuit

Dans le premier cas, la situation aurait peut-être été rattrapée si les pilotes disposaient de références visuelles extérieures. Dans les deux autres, il est évident que les pilotes auraient repris la main de jour en voyant leur avion se diriger vers les montagnes et le sol.

Des systèmes de sécurité

Le GPWS (Ground Proximity Warning System)

Il s’agit d’un système d’avertissement de proximité du sol. Ce système fonctionne à l’aide d’un radioaltimètre. Il s’agit d’une sonde située sous l’appareil. En émettant des impulsions vers le sol, elle calcule l’altitude exacte de l’avion par rapport au sol, contrairement aux sondes statiques qui calculent l’altitude par rapport à la pression de l’air.

Selon la configuration du vol, ce système peut faire retentir des alertes sonores si l’avion se rapproche dangereusement du sol, ou si l’angle de descente et d’inclinaison est excessif par exemple.

Bien qu’utile, le GPWS n’est pas non plus miraculeux. Sur le premier accident, l’avion était en chute et le GPWS ne permet pas de sortir un appareil d’un décrochage. Dans le second, il ne s’est déclenché que 9 secondes avant l’impact. Les aérofreins étaient sortis, et le laps de temps disponible pour réagir était beaucoup trop court pour esquiver la montagne. Enfin, dans le crash du vol Air Inter, l’avion n’était tout simplement pas équipé de GPWS. La compagnie avait choisi de se substituer de ce système, les pilotes lui reprochant de faux positifs trop fréquents.  Aujourd’hui, ce n’est plus une option et il est installé par défaut sur tous les avions de ligne !

Depuis peu, émerge un nouveau système : le E-GPWS. En plus des informations altimétriques, il inclut une base de données répertoriant les obstacles et les informations de hauteur du terrain aux alentours. On appelle aussi l’ensemble de ces systèmes TAWS (Terrain Awareness and Warning System).

La réalité augmentée

C’est un système encore très peu répandu et en développement dans le civil ! Dassault est un pionnier du domaine avec l’intégration de son FalconEye sur ses jets d’affaires Falcon. Cette technologie se compose d’une caméra basse lumière, caméra thermique ainsi que d’une base de données du terrain relief le sol en 3D. Les pilotes disposent alors sur un affichage tête haute (HUD), d’un parfait aperçu du terrain que ce soit la nuit, au-dessus des nuages, ou même en plein brouillard  !

Vision synthétique Dassault


Pour les avions de ligne, voler de nuit n’est pas problématique. Grâce aux instruments et aux nouvelles technologies, tout est fait pour que les pilotes puissent évoluer dans leur environnement en toute sécurité. Si vous prenez l’avion de nuit, vous avez désormais toutes les clés en main pour ne pas avoir peur !

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