Est-ce que les avions polluent ?

La réponse est incontestablement oui, mais à quel point un avion pollue ?

Estimer la pollution des avions est très compliqué car il y a de nombreux facteurs qui rentrent en compte. Nous allons essayer de voir cela plus en détail.

Quelles particules sont relâchées dans l’atmosphère ?

Toutes les molécules rejetées par un véhicule ne sont pas aussi nocives les unes que les autres. Leur quantité peut énormément varier.

Par exemple, que vous le croyez ou non, une petite clio diesel de 1995 sera beaucoup plus polluante qu’un gros 4×4 essence de 2018. La quantité de Co2 relâchée par km, même si souvent utilisée pour mesurer la pollution est un indicateur assez trompeur, car les plus dangereux ce sont entre autres les particules fines et l’oxyde d’azote relâchés en très grande quantité avec des moteurs diesel.

Ce sont pourtant ces deux là les responsables de millions de malades et morts dans le monde.

Enfin bref. Pour savoir si les avions polluent réellement, on va se pencher sur plusieurs données de comparaison

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Le type d’avion

Parler d’un avion en général c’est bien, mais il ne faut pas oublier qu’un Airbus A220 (ex Bombardier Cseries) mis en service en 2015 sera moins polluant qu’un MD-80 de 1990.

Les particules relâchées

  • Oxyde d’azote (NOx) : Se forme par l’oxydation de l’azote de l’air quand la température et la pression sont élevées en sortie de chambre de combustion. (décollage et montée)
  • Dioxyde de carbone (CO2) : On ne le présente plus. 1 litre de kérosène consommé libère 2.5 kg de CO2 + 0.5 Kg pour son extraction, transport, raffinage : Soit 3 Kg/L.
  • Dioxyde de soufre (SO2) : Résultat de l’oxydation du souffre contenu dans le kérosène, lors de la combustion
  • Monoxyde de carbone (CO) : Résultat d’une combustion incomplète, émis quand les moteurs tournent au ralenti
  • Hydrocarbures imbrûlés (HC) : Résultat d’une combustion incomplète, émis quand les moteurs tournent au ralenti
  • Particules fines (PM) : Résidus solides des gaz d’échappement

Le taux pour chaque type de pollution varie selon la phase du vol (Le décollage est la phase la plus consommatrice).

Voici un exemple selon le régime moteur, pour les particules de CO et NOx :

Pollution au NOx et CO d'un avion

La consommation pour 100 km

C’est souvent un argument que les constructeurs utilisent pour vanter leur avion. Mais cette information est à prendre avec des pincettes. Les chiffres donnés correspondent à des conditions idéales de vol : Avion rempli de passagers, peu de bagages en soute, météo favorable, altitude favorable, distance favorable…

Bref, tous les paramètres qui peuvent faire baisser artificiellement les chiffres… Une question de marketing.

  • On estime tout de même une consommation de l’ordre de 3.4L/100 km par passager sur un vol moyen-courrier. Cela fait 10 Kg de CO2/100 Km(calcul basé sur un vol de 1800 km en Boeing 737-800 avec 160 passagers)
  • On peut descendre à moins de 2.3L/100 km par passager, sur du long-courrier.Cela fait 7 Kg de CO2/100 Km. (calcul basé sur un vol de 6800 km en Airbus A350, avec 389 passagers)

Les avions à turbopropulseur sont eux bien plus écologiques. Sur des courtes lignes, ils consomment environ 40 à 50% de carburant en moins qu’un avion à réaction ! En revanche ils vont  25 à 40% moins vite.

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Le nombre de passagers transportés

Le rapport de consommation par passager dépendra fortement du taux de remplissage.

En chiffres, il est d’environ :

  • 96% pour Ryanair
  • 92% pour Easyjet
  • 87% pour Air France-KLM
  • 77% pour Emirates

Ainsi, les plus grands gagnants sont les compagnies qui affichent le meilleur taux de remplissage.  Le coût au km par passager est optimisé. Les compagnies utilisant des avions turbopropulsés sont aussi gagnantes en carburant sur des petites liaisons.

Restent enfin les avions de nouvelle génération. Certains comme l’Airbus A220 peuvent se targuer  d’une consommation pouvant descendre à 2 litres/100km par passager !

Airbus A220-300 swiss
Airbus A220-300

L’aviation électrique est-elle la solution ?

Cela dépendra de la source de l’énergie. Si il est incontestable que la fabrication de batteries est un procédé très polluant, sur la durée, cette solution pourrait s’avérer plus intéressante d’un point de vue écologique.

Maintenant il faut voir d’où provient l’énergie électrique des avions. Si on recharge les batteries par l’électricité provenant d’une centrale à charbon ou au fioul, l’empreinte écologique sera considérablement augmentée et surtout… Déplacée. Fausse bonne idée !

Un avion électrique sera alors viable s’il est rechargé par des énergies renouvelables ou le nucléaire. Malgré la production de déchets radioactifs, le nucléaire n’a pas d’impact sur notre atmosphère. Mieux encore, il offre une production électrique en très grande quantité à moindre coût.

Pour comparaison, la production de 1 Kilowattheure créé :

  • 950g de CO2 pour le charbon
  • 390g de COpour le gaz
  • 105g de COpour le photovoltaïque
  • 9g de COpour le nucléaire

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L’électrique a des inconvénients
  • Le stockage de l’énergie : il faudrait de très grosses batteries, et qui puissent délivrer une puissance phénoménale aux moteurs.
  • La poussée : si on peut facilement faire décoller un petit avion d’une centaine de kg avec des moteurs électriques, nous n’avons à ce jour aucun moteur électrique capable de fournir autant de poussée que les turboréacteurs ou turbopropulseurs fonctionnant au pétrole.

Enfin, les batteries devraient pouvoir être rechargées très rapidement au sol. Un avion qui ne vole pas coûte cher. Quand on sait que certaines low-cost ne restent parfois pas plus de 20 minutes au parking…

avion électrique
Airbus E-Fan : ancien prototype d’avion électrique

Le biocarburant

Les biocarburants ont de nombreux effets pervers :

  • Déforestation
  • Augmentation du prix des denrées alimentaires
  • 1,8x plus d’émissions de gaz à effet de serre que le pétrole

Graines de Brassica carinataOn arrive toutefois à inverser la courbe de pollution. Un nouveau biocarburant est expérimenté. Il est à base de Brassica carinata, une graine de moutarde non alimentaire et industrielle. Cette graine a été mise au point par Agrisoma, une société canadienne, et peut être semée sur des terres en jachère.

D’après la société, 1 hectare de graines permet de produire 2000 litres d’huiles, dont 400 pour du biocarburant, 1400 litres de diesel renouvelable, et 10% de sous-produits renouvelables.

Pour un trajet Paris/New-York en Airbus A350, ce sont environ 50.000 litres de carburant consommés.

50.000 litres de biokérosène c’est 125 hectares, ou 1.250.000 m² de terres nécessaires. Pour 1 seul vol, vous voyez le problème ?

Enfin, il est important de prêter attention au terme « bio » du mot « biocarburant ». Ici, cela signifie uniquement qu’il est à base de végétaux. Il n’est aucunement question d’agriculture biologique. Des pesticides sont évidemment utilisés, mais ça, ils ne le disent pas !

L’hydrogène

Comme le biocarburant, l’hydrogène est vanté par certains industriels.

Un véhicule à l’hydrogène est d’abord un véhicule électrique. En effet, la batterie est remplacée par un réservoir d’hydrogène + une pile à combustible. Comparé aux batteries classiques, l’avantage est que le système offre bien plus d’autonomie. La production d’une pile à combustible est aussi moins polluante qu’une batterie classique.

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Un véhicule qui se déplace à l’hydrogène ne relâche que de la vapeur d’eau

Parfait ! Il faut donc passer au 100% hydrogène n’est-ce pas ? Eh bien non, ça serait trop beau pour être vrai.

L’hydrogène est, à plus de 90%, produit à partir des énergies fossiles, principalement le méthane. Le procédé s’appelle le reformage, et la production de 1 kg d’hydrogène dégage 10 kg de CO2.

Il reste alors l’électrolyse. C’est un procédé utilisant l’électricité pour produire de l’hydrogène à partir d’eau. Il faut 1 litre d’eau pour produire 100g d’hydrogène. Alimenté par des énergies renouvelables, ce pourrait être une solution. Mais ce procédé est beaucoup moins efficace.

Si l’électrolyse est la meilleure solution, il faut garder à l’idée qu’au final, on utilise de l’électricité pour produire une énergie qui servira à produire de l’électricité. L’enjeu de l’hydrogène devra donc d’être technologiquement plus viable, offrir un meilleur rendement et une meilleure capacité face aux batteries classiques. Reste à voir qui des batteries classiques où des piles à combustibles sauront évoluer le plus efficacement !

L’hydrogène est très facilement inflammable. De plus, il faut pouvoir stocker le stocker, le transporter… L’investissement dans de nouvelles infrastructures n’est pas encore du goût de tous les acteurs industriels.

vaporeformage hydrogene

Nous sommes presque à la fin. Permettons-nous une petite comparaison en terme de pouvoir calorifique inférieur pour chaque énergie. Le pouvoir calorifique représente la quantité d’énergie fournie par 1 kg d’un carburant.

  • Pouvoir calorifique inférieur du kérosène : 43 000 000 joules/kg
  • Pouvoir calorifique inférieur de l’hydrogène : 120 000 000 joules/kg

Sachant que la production d’1 kg d’hydrogène dégage 10 kg de CO2, contre 3 kg pour le kérosène, le résultat est le suivant :

  • Pour 1 kg de CO2 émis, le kérosène offre un pouvoir calorifique de 14.3 MJ
  • Pour 1 kg de CO2 émis, l’hydrogène offre un pouvoir calorifique de 12 MJ

En terme de CO2 rejeté, utiliser l’hydrogène n’offre à l’heure actuelle aucun avantage face au kérosène.


Pour terminer, regardons la pollution engendrée par la production d’électricité face au kérosène. Prenons comme référence le pouvoir calorifique du kérosène de 43 MJ par kg pour 3 kg de CO2.
Pour les différentes sources de production d’électricité on obtient :

  • 11.4 kg de CO2 pour produire l’équivalent de 43 MJ avec le charbon comme source d’électricité
  • 4.7 kg de COavec le gaz
  • 1.3 kg de COavec le photovoltaïque
  • 0.1 kg de COavec le nucléaire

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Conclusion

Alimenté par une centrale au charbon ou au gaz, l’électrique pollue plus que le kérosène.

L’aviation électrique sera pourtant la solution idéale de demain. Cela ne sera évidemment valable que si l’énergie provient de sources renouvelables ou du nucléaire, en considérant l’aspect écologique hors stockage des déchets radioactifs.

Enfin, cela impliquera de grands défis technologiques :

  • Il faudra que l’on puisse développer des moteurs électriques assez puissants
  • Qu’on développe des batteries de très grandes capacités et pouvant délivrer une puissance phénoménale
  • Qu’on trouve de nouveaux procédés de fabrication de batteries, aujourd’hui très polluants. La fabrication des batteries impacte à ce jour très fortement le bilan carbone des véhicules électriques.
Pour l’hydrogène, rien n’est encore perdu

On peut encore beaucoup espérer sur l’amélioration des technologies qui gravitent autour. Certains industriels parlent même d’une augmentation très significative du rendement des piles à combustible et de la production de l’hydrogène. Pas viable aujourd’hui donc, mais à voir dans quelques années.

⚠️ Les calculs précédemment cités ne prennent pas en compte toutes les composantes comme le rendement, les éventuelles pertes, le transport, le stockage etc. Ces données ne peuvent donc pas coller parfaitement à la réalité sans un contexte précis. Il faut garder à l’idée que ce sont des ordres de grandeur, qui nous renseignent toutefois sur la viabilité des différentes énergies.