Depuis plus de 20 ans, le Boeing 747 est devenu un échec commercial

C’est une affirmation qui en fera sursauter plus d’un. Pourtant, oui, le Boeing 747 est devenu un pur échec commercial, depuis une vingtaine d’années déjà. Nous verrons cela plus en détail après.

Toutes les plus grosses compagnies du monde ont eu un jour ce colosse au sein de leur flotte, pour ne citer que Delta Airlines, British Airways, Lufthansa, KLM, et même notre chère compagnie tricolore Air France. Aujourd’hui, nombreuses d’entre elles ont décidé de s’en séparer, car le 747 ne s’intègre plus dans leur modèle économique.

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Le 747-400, début de la gloire

C’est avec sa version 400 que le Boeing 747 a été propulsé vers la gloire. 804 appareils de version 400 ont été vendus depuis sa mise en service en 1989. La version 400 représente a elle seule près de la moitié de tous les 747 vendus dans l’histoire, toutes versions confondues.

Vers le milieu des années 90, les deux grands constructeurs Airbus et Boeing envisagent chacun le développement d’un nouveau gros porteur. Pour Airbus, il s’agit clairement de concurrencer le 747, le fleuron de l’aviation très long-courrier.

Pourtant, si le constructeur Européen semble déterminé à développer un nouvel appareil, le doute subsiste outre-Atlantique. En effet, les différentes versions modernisées de son 747, présentées lors des salons aéronautiques, ne semblent déjà pas susciter l’intérêt des compagnies. Cette tendance se confirmera effectivement avec les chiffres catastrophiques que nous verrons tout à l’heure.

Nous voilà à présent en 2005. C’est une année exceptionnelle pour le monde entier, mais surtout pour Airbus puisque l’A380 fend les cieux pour la première fois le 27 avril. Le rival officiel du 747 est né.

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Avec cet appareil, Airbus pouvait franchir plus de 15000 km contre 14200 pour le 747 version 400ER. Pour l’emport de passagers, Airbus bat le record du monde de la possibilité d’emport de passagers avec un maximum de 853 sièges contre 660 pour le Boeing. Bien sûr, les compagnies n’optent jamais pour un aménagement full économy sur leurs appareils long-courriers, mais la différence d’emport reste très significative.

Quelques mois plus tard, le 14 novembre 2005, est officiellement annoncé le Boeing 747-8. Deux versions seront proposées, le 747-8F (freighter), c’est à dire la version cargo, et le 747-8i (intercontinental), sa version passagers.

Il faudra attendre 6 ans pour la mise en service de la version fret, et 7 ans pour la version passagers. Une éternité pour un appareil qui voulait revenir sur le devant de la scène, sur un marché déjà en perdition.

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Prototype du Boeing 747-8 version cargo, lors d’un essai en vol

Tout ne se passera pas comme prévu

Durant la décennie précédant son annonce, les prévisions de Boeing n’étaient pas vaines. En 2009, alors que l’appareil est encore en développement, l’entreprise commence déjà à douter sur la viabilité du projet. L’avionneur ne s’avoue pas vaincu pour autant, déclarant que « si les coûts l’emportaient sur les commandes, ils ne seraient pas allés de l’avant ».

Il faut dire que le 747-8 conserve une même base que ses prédécesseurs, ce qui permet déjà de réduire drastiquement les coûts. Boeing s’en sortira avec un coût de développement chiffré à l’équivalent de 3.5 milliards d’€.

Cela reste relativement peu, quand l’on compare le coût du programme A380, qui s’est élevé à 15 milliards, soit 7 de plus que le budget initial évalué à 8 milliards d’€.

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Début 2022, les résultats sont là : Le Boeing 747-8 ne se vend pas. 17 ans après son annonce, un total de 200 appareils ont été commandés dont :

  • 142 pour sa version cargo (pour rappel, l’A380 ne propose pas de version cargo)
  • 58 commandes pour sa version passagers.

Celui qui voulait concurrencer l’A380 sur le transport de passagers voit finalement ses ventes inférieures de 4 fois.

Pourtant, aujourd’hui, dénigrer les ventes de  l’A380 est devenu un sport à part entière de la part de la presse et du grand public. Les chiffres sont pourtant clairs : En comparant ce qui est comparable, Airbus a dépassé Boeing sur les ventes de jumbo jet sur de nombreux points.

Alors oui, si l’on observe le nombre de ventes totales, le 747 s’est bien plus vendu, mais le premier exemplaire a été livré en 1969, 38 ans avant l’A380. Pour vraiment comparer les deux en termes de ventes, observons le détail sur des périodes similaires.

Nombre de commandes, depuis l’annonce du programme A380 (18 décembre 2000) à 2022

A380 : 251

747 toutes versions passagers uniquement : 72
747-8 version passagers : 58
747 toutes versions cargo uniquement : 217
747-8F, cargo uniquement : 142
747 Versions passagers + cargo : 289

L’Airbus A380 n’étant pas disponible en version cargo, il apparaît nettement que les compagnies de transport de passagers l’ont largement plébiscité sur ce segment.

Par chance, Boeing est le seul constructeur au monde à proposer un avion aussi gros pour du transport de fret. Cela lui a permis de booster ses ventes de 747-8 fret. Une version 380 destinée au fret aurait peut-être amputé ses ventes.

Livraisons entre octobre 2007 à 2022

Octobre 2007 correspond à la première entrée en service de l’Airbus A380. C’est Singapore Airlines qui sera le client de lancement.

Le premier vol commercial aura lieu le 25 octobre de la même année entre Singapour et Sydney, avec l’appareil immatriculé 9V-SKA. Cet avion a aujourd’hui été démantelé, 11 ans après sa livraison seulement.

Livraisons d’A380 : 251

Livraisons de 747 toutes versions, passagers uniquement : 48
Livraisons de 747-8, passagers uniquement : 48
Livraisons de 747 toutes versions, cargo uniquement : 127
Livraisons de 747-8F, cargo uniquement : 102
Livraisons de 747 toutes versions, passagers + cargo : 175

Sur une période de livraisons identique et sur le segment passagers, Airbus a livré 5,2x plus d’A380 que de 747, depuis la mise en service de son 380.

Nombres de compagnies différentes ayant passé commande depuis 2000

B747 versions pax : 12
A380 version pax : 14

Plus de compagnies aériennes différentes ont commandé des A380 depuis son annonce. Ces chiffres excluent les opérateurs privés de 747 BBJ.

Nombre d’avions long-courriers livrés depuis 2000 à mars 2022

Pour comparer ces chiffres, il peut être intéressant de les comparer avec les autres avions long-courriers des deux leaders.

En dépit d’un nombre inférieur de sièges aux avions à double pont, les biréacteurs long-courriers assurent une meilleure rentabilité aux compagnies qui, aujourd’hui, se les arrachent. De nombreuses compagnies ont par ailleurs annulé leurs commandes de quadriréacteurs pour ces avions d’un peu plus petite taille.

Ces statistiques comprennent les versions passagers et cargo réunies. Il s’agit bien de livraisons et non de commandes. En effet, de très nombreux B777, B787, A330 et A350 sont présents à ce jour dans les carnets de commandes débordants des deux constructeurs.

Boeing 747 : 332
Boeing 767 : 467
Boeing 777 : 1418
Boeing 787 : 1006

Airbus A380 : 251
Airbus A330 : 1354
Airbus A340 : 204
Airbus A350 : 475

Le 380 et le 747-8 sont-ils arrivés trop tôt ou trop tard ?

C’est un grand débat. Pour certains, l’augmentation du trafic aérien prévue pour les prochaines décennies devrait apporter un regain d’intérêt auprès des compagnies pour ces colosses. Pour d’autres, l’aire des jumbo jets est déjà révolue.

Quoi qu’il en soit, l’A380 a déjà quitté le catalogue d’Airbus depuis 2018. Boeing a quand à lui décidé d’arrêter la production de son 747 pour 2022. Une triste page de l’histoire qui se tourne pour ces deux avions qui sont devenus des échecs commerciaux.

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Photo : Julie Reynes

Chaque constructeur propose aujourd’hui des avions biréacteurs très performants, et pouvant franchir de très très longues distances tout en emportant un grand nombre de passagers. Même s’ils ne rivaliseront jamais avec les 380 et 747 en termes d’emport de passagers,  ils sont tout de même très plébiscités par les compagnies car ils nécessitent, entre autres, moins de maintenance et sont également plus adaptés aux aéroports en raison de leur taille.

Quant à nos 2 géants du ciel, aujourd’hui, force est de constater que les compagnies n’en veulent plus. Peu de lignes sont rentables, des commandes non livrées sont annulées, et de nombreux opérateurs se séparent de leurs quadriréacteurs après moins de 10 ans d’exploitation.  C’est très court quand l’on sait que peu sont repris et finissent à la casse.

En parallèle, nous assistons à l’essor de nouvelles lignes long-courrier opérées en mono-couloir (A320 Neo et 737-MAX), permettant de se passer des hubs, et donc de relier plus facilement des aéroports régionaux vers grandes plateformes internationales, autrefois inaccessibles avec ce type d’appareils.

Air Transat relie par exemple Nice à Montréal en A321 Neo, alors que les villes sont distantes de plus de 6000 km.

Sources des chiffres :

Boeing :

Airbus :

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